Le musée vir[us]tuel - 27
Rondelle de chêne
Spectaculaire par sa taille, cette
tranche de bois provient d’un chêne
abattu pendant l’hiver 1977-78, à la
lisière de la forêt, sur le site de la
source de la Géronstère.
Vieux de 351 ans (c’est précis !), un
âge exceptionnel pour un chêne de
notre région, l’arbre en question
était quasiment mort sur pied. Les
quatre dernières années avant
l’abattage, il avait encore assez de
réserves pour reverdir légèrement à
chaque printemps, mais sa
croissance s’était arrêtée. C’est ce
qu’a notamment démontré l’analy-
se dendrochronologique dont nous
reparlerons plus bas.
Livrons-nous à un petit calcul : 1977
351 = 1626. Par conséquent, le
gland à l’origine de ce géant a
germé à la fin de la décennie 1620.
Il est peu probable qu’il s’agisse d’un arbre planté volontairement car, à cette époque, la source
de la Géronstère était « un endroit assez désert, mal accomodé (sic) et peu accessible pour
estre comme cachée entre des buissons et halliers » écrit Pierre Bergeron en 1619. Il faudra
encore attendre une bonne vingtaine d’années avant de voir les premiers aménagements du
site.
Les pères Capucins venaient de construire leur première chapelle à Spa ; la principauté de
Liège était alors dirigée par le prince-évêque Ferdinand de Bavière ; la France sous le règne
de Louis XIII et les Pilgrim Fathers s’installaient en Amérique.
L’initiative de ce prélèvement, et donc l’inventeur de cette pièce, est Francis Bourotte (1935 -
2018). Administrateur d’Histoire & Archéologie spadoises, cet architecte spadois était à la
manœuvre lorsque de 1975 à 1979 on restaura l’ensemble du site de la source de la
Géronstère pour lui redonner son aspect initial. C’est ainsi qu’il suivit l’abattage du chêne
mourant, eut l’idée d’en prélever « une tranche » et la déposa au musée. Il semble que cette
pièce imposante n’ait pas soulevé l’enthousiasme du conseil d’administration de l’époque. La
rondelle fut stockée…près des toilettes elle trouva son utilité en calant la porte de la galerie !
Aujourd’hui, elle est mise en valeur dans l’exposition permanente Spa Story.
Deux fois plus épaisse au départ, elle a été dédoublée par l’Université de Liège afin de déposer
un exemplaire dans les collections de la Maison de la Science. La rondelle est dans un état
brut, non rabotée, et elle présente des taches plus foncées occasionnées, d’après les dires
d’un spécialiste, par des balles de fusil tirées au 18
e
siècle.
Venons-en à présent à l’étude dont cette pièce fut l’objet. La dendrochronologie, quèsaco ?
Du grec dendron « arbre » et chronos « temps », c’est une discipline visant à dater un arbre
grâce à l'étude de ses cernes. Elle est notamment utilisée lors de fouilles archéologiques, mais
permet aussi d'étudier la climatologie (reconstitution d’anciens climats), les pratiques
sylvicoles ou les agressions subies par la forêt. La dendrochronologie peut même être
employée pour la datation d'instruments à cordes ou les charpentes de châteaux et d'églises.
Il n’est pas indispensable de couper l’arbre, on peut aussi procéder par carottage. Dans les
deux cas, on observe le nombre, l’aspect et l’ordonnance des anneaux de croissance de
l’arbre, ce qui permet d’établir des séquences, autrement dit des successions de cernes
présentant des caractéristiques différentes. C’est ainsi que l’on « construit » une courbe de
référence propre à chaque région climatique. C’est la synchronisation des courbes entre elles
qui permet ensuite de dater un nouvel échantillon.
Il y a une trentaine d’années, Patrick Hoffsummer, spécialiste liégeois en cette matière, s’est
attelé à reconstituer une chronologie locale. Pour cela, il a étudié plusieurs « carottes » de
bois issues des charpentes des églises de Theux et de Polleur, ainsi que des fondations du
Vieux pont de Polleur. La rondelle du chêne de la Géronstère est venue compléter cette étude.
La longévité et la coupe récente de cet arbre en faisaient un objet d’étude particulièrement
intéressant.
Terminons en signalant que notre chêne allait sur ses 100 ans lorsqu’il vit Pierre le Grand boire
l’eau de la source pour soigner ses coliques bilieuses.
Dimensions : diamètre : 127 cm maximum / épaisseur : 6 cm maximum
Epoque : années 1620 - 1978
Technique : bois scié
N° d’inventaire : G1011 (don de Francis Bourotte)
Photographies : MC Schils
Bibliographie :
Bourotte, Francis, Histoire et restauration de la source de la Géronstère, in HAS n°4, décembre
1975 (pour une consultation directe en ligne cliquez ici)
Hoffsummer, Patrick, De Polleur à la Géronstère : vers la constitution d’une courbe
dendrochronologique locale, in HAS n°43, septembre 1987 (pour une consultation directe en
ligne cliquez ici)
Pour aller plus loin :
http://www.dendrochronologie.ch/pages/presentation.html
© Musées de la Ville d’eaux
Si vous désirez lire nos autres capsules « Vir(us)tuel »
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Revue Histoire & Archéologie spadoises,
48 p., parution 3 x par an, 15 €
http://www.spavillaroyale.be/spip.php?rubrique60
Prochaine exposition temporaire :
Destination Spa. Les plaisirs de la villégiature à la Belle Epoque
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