Le musée vir[us]tuel - 22
Une sauvegarde de 1674
De la fin du 16
e
au milieu du 18
e
siècle, les
sauvegardes furent des documents
officiels quémandés par les édilités
communales de Spa aux principaux
souverains d’Europe qui interdisaient à
leurs troupes d’entrer dans le bourg et d’y
commettre les déprédations habituelles
d’une époque les armées n’avaient pas
de solde et se payaient sur l’habitant.
Dans la seconde édition des Amusemens
de Spa de Jean-Philippe de Limbourg, on
trouve la description de cette sauvegarde :
« Il y avoit ci-devant, au coin de l’ancienne
Maison de ville, un assemblage
d’Ecussons, disposés en forme de Croix ;
en haut c’étoient les Armes Impériales ; au
bas celles d’Angleterre ; au milieu celles
de Bavière ; & aux deux côtés celles de
France & d’Espagne ; avec la date de l’an
1674 ».
Reprenons dans l’ordre ces différents
blasons. En tête, on reconnaît l’aigle
bicéphale du Saint-Empire germanique
avec, en son centre, l’écu des Habsbourg.
A gauche, dans la partie centrale, sont reproduites les armoiries de la Maison d’Espagne
entourées du collier de la Toison d’or, tandis qu’à droite on distingue le très reconnaissable
écu fleurdelisé de la France.
Au centre, il s’agit des armes de Maximilien Henri de Bavière qui régna sur la Principauté de
Liège de 1650 à 1688. Les princes-évêques avaient une double fonction, temporelle et
spirituelle, symbolisée (ici, comme au fronton du palais des princes-évêques à Liège) par la
crosse et l’épée croisées derrière l’écu.
Le registre inférieur est occupé par les armoiries d’Angleterre entourées de la célèbre devise
d’Edouard III « Honni soit qui mal y pense », devenue celle de l’ordre de la Jarretière.
Dans nos anciens livres d’histoire, le 17
e
était appelé « le siècle des malheurs » car entre les
conflits qui opposèrent quasi continuellement l’Espagne et la France, les questions religieuses
toujours délicates et différentes calamités dont les épidémies de peste et de choléra, la
population de nos contrées survivait tant bien que mal.
Les habitants de Theux travaillaient le fer, ceux de Stavelot-Malmedy tannaient le cuir et les
Verviétois fabriquaient des draps mais, à Spa, l’économie locale était tributaire de la réussite
de la saison quand les bobelins de vingt nations différentes s’y rassemblaient chaque été.
Aussi, lorsqu’une horde de soldats était dans les parages, souvent accompagnés de femmes,
d’enfants, de charretiers et de valets qui doublaient quasiment le contingent, il fallait tout mettre
en œuvre pour les dissuader d’entrer dans le bourg ou de le rançonner.
C’est pourquoi le Magistrat de Spa (comparable à notre Collège communal) déployait des
moyens importants pour obtenir cette faveur exceptionnelle accordée au bourg par les
principaux belligérants pour tenter d’assurer une neutralité constante, ce qui fut loin d’être le
cas.
Une fois la sauvegarde obtenue, encore fallait-il la « valoriser » : soit on était averti de l’arrivée
de troupes et un délégué de la ville allait à leur rencontre, muni d’une copie de la sauvegarde
adéquate, soit elles étaient affichées aux quatre coins du ban.
La pièce présentée aujourd’hui n’est pas une sauvegarde originale, le plus souvent un
parchemin accompagné d’un sceau imposant, mais il s’agit d’un condensé, de la
matérialisation de plusieurs sauvegardes distinctes.
Ces affichages ont heureusement disparu. De nos jours, ils sont remplacés par des panneaux
d’une tout autre nature… ceux indiquant les différents jumelages qui associent notre ville
d’eaux à Cabourg, La Garde, Gabicce Mare et Eguisheim.
Dimensions : hauteur : 97,2 cm / largeur : 67,2 cm
Epoque : 1674
Technique : tôle peinte
N° d’inventaire : K0011
Photographies : P. Charlier (2020)
Bibliographie :
Body, Albin, Les sauvegardes accordées au Bourg de Spa, in Spa, histoire et bibliographie, t.
II, éd. anastaltique, 1981.
Limbourg, Jean-Philippe de, Les Amusemens de Spa, seconde édition, t. I, 1782.
Notes manuscrites de Jean Toussaint
© Musées de la Ville d’eaux
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Revue Histoire & Archéologie spadoises,
48 p., parution 3 x par an, 15 €
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Prochaine exposition temporaire :
Destination Spa. Les plaisirs de la villégiature à la Belle Epoque
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