Le musée vir[us]tuel - 20
La canne de Fabre
Voici ce que les anciens Spadois appelaient un « bordon ». « C’est bien
évidemment dans la fabrication des cannes ou bâtons de promenade qu’il
faut chercher l’origine des objets de notre industrie des objets peints et
vernis » nous dit Albin Body dans son Essai historique sur les jolités. Si l’on
observe les plus anciennes vues de Spa, à commencer par celle présente
dans le livre de Lymborh montrant La Sauvenière en 1559, on remarque que
tous les bobelins, hommes et femmes, tiennent un bâton de marche. Ces
cannes étaient indispensables pour crapahuter dans les forêts ardennaises
et accéder aux sources bienfaisantes dont les sites n’étaient guère
aménagés.
Le musée possède plusieurs bordons présentés dans l’exposition Spa Story.
Celui « dit de Fabre » est plus récent mais c’est l’un des plus intéressants.
Tout d’abord, nous sommes certains qu’il a été fabriqué dans la ville d’eaux
puisque, sous le pommeau, on peut lire « Spa » gravé dans le bois. Ce type
de mention est très rare sur les cannes.
Le fût est constitué de bois d’épine très noueux. Teinté et verni, il se termine
par une forte férule de montagne en acier.
Mais la partie la plus intéressante est évidemment le pommeau sculpté qui
représente plus qu’une tête, un véritable portrait. D’après Gilbert Segas, le
marchand parisien qui a vendu cette canne au musée en 2013, « la
représentation de personnages célèbres était une pratique courante au 19
e
siècle ». Pour lui, il ne fait aucun doute qu’il s’agit de Fabre. Non pas Fabre
d’Eglantine, même si l’on sait que ce dernier est venu à Spa en 1780, mais
bien l’entomologiste Jean-Henri Fabre (1823-1915).
Parfait autodidacte, cet homme aux multiples talents a fait avancer la
connaissance des insectes par sa démarche novatrice : étudier les animaux
vivants dans leur milieu en mettant en évidence les relations qu’ils
entretiennent entre eux et avec leur environnement. C’est un précurseur de
l’éthologie. On lui doit, entre autres, la découverte des phéromones, ces
odeurs qui permettent aux femelles d’attirer les mâles.
La ressemblance avec les portraits du savant
vieillissant, bien qu’il soit rare de le voir sans chapeau,
est indéniable (voir lien ci-dessous).
De plus, la présence d’une abeille sculptée dans
l’ivoire est un élément d’attribution supplémentaire,
même si le choix d’un bousier aurait sans doute été
plus adéquat.
Jean-Henri Fabre serait-il venu à Spa ? Nous n’en
avons pas trouvé trace. Ses faibles revenus et son
hyperactivité scientifique ne le lui auraient d’ailleurs
sans doute pas permis.
Dès lors, quel est le commanditaire de cette canne ?
Peut-être le découvrirons-nous un jour…
Vous vous demandez peut-être comment nous avons
eu connaissance de cette canne. Eh bien, c’est l’une
des bonnes prises d’un de nos « chasseurs
cueilleurs » d’objets intéressants pour les collections
spadoises. Que ce soit sur internet ou lors de
déplacements en Belgique ou à l’étranger, ils sont
toujours à l’affût et repèrent ce qui pourrait venir
enrichir le patrimoine spadois.
Nous leur devons beaucoup…
Dimensions : longueur : 87 cm / diamètre : 4 cm
Epoque : fin 19
e
siècle
Technique : bois d’épine ; ivoire sculpté ; métal
N° d’inventaire : D1031
Photographies : P. Charlier (2020)
Bibliographie :
Body, Albin, Essai historique sur les ouvrages peints dits boîtes de Spa, Liège, 1898.
Dossier spécial Jean-Henri Fabre (…) in la revue Les carnets du Ventoux, octobre 2009.
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Jean-Henri_Fabre_seated_at_table.jpg (lien portrait)
© Musées de la Ville d’eaux
Si vous désirez lire nos autres capsules Vir(us)tuel
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Revue Histoire & Archéologie spadoises,
48 p., parution 3 x par an, 15 €
http://www.spavillaroyale.be/spip.php?rubrique60
Prochaine exposition temporaire :
Destination Spa. Les plaisirs de la villégiature à la Belle Epoque
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