Le musée vir[us]tuel - 5
Etiquettes Spa Cola et Spa Vita
En 2021, la société Spa-
Monopole fêtera son centenaire
puisque c’est en 1921 que
l’ancienne Compagnie
Fermière des Eaux et des
Bains de Spa se
métamorphose sous la houlette
du chevalier de Thier.
L’épisode que nous allons
évoquer ci-dessous ne doit pas
être leur meilleur souvenir !
C’est en 1927 que la boisson
Coca-Cola fit son apparition en
Belgique et, à la veille de la
Deuxième Guerre mondiale,
chaque grande ville belge
possédait un point de distribution. Comme ce fut le cas pour beaucoup d’autres denrées non
essentielles, la commercialisation du soda fut suspendue pendant la guerre.
Aux Etats-Unis, The Coca Cola Company avait promis à tous les soldats américains qu’ils
trouveraient leur boisson favorite, pour cinq cents, partout ils iraient combattre. C’est
pourquoi, jusqu’en 1945 et en collaboration avec les forces armées, la firme trouvera 64
usines pour embouteiller ce breuvage derrière le front.
Laissons la parole à Georges de Lame, témoin privilégié de cette époque en tant
qu’interprète officiel de la Ville de Spa auprès des autorités américaines et britanniques, de
septembre 1944 à septembre 1945 :
« Avant l’offensive von Rundstedt, un représentant de la fameuse firme Coca Cola rendit
visite au Chevalier de Thier, administrateur-délégué de la Société Anonyme Spa-Monopole,
et à son directeur, M. P. Bedoret. Un officier américain me dit un jour en plaisantant que les
soldats de son pays cesseraient sûrement de se battre s’ils n’avaient pas leur « Coca
Cola » ! C’est peut-être un peu exagéré, mais toujours est-il que Coca Cola conclut un
arrangement avec Spa-Monopole et, pour épargner la place sur les bateaux, envoya des
Etats-Unis, les caisses, les bouteilles typiques et le sirop, pour commencer à travailler à Spa-
Monopole à la fin janvier. Mais ce fut seulement au début de mars que le travail
d’embouteillage s’activa sérieusement. Jusqu’à la fin août, date de son départ pour
l’Allemagne, à Augsbourg (…), Coca Cola embouteilla plus de huit millions de ces fameuses
bouteilles de 8 onzes, à l’aide de l’équipement et de l’eau gazeuse de Spa-Monopole. Les
camions des Première, Troisième, Septième et Quinzième armées des Etats-Unis venaient
prendre livraison des caisses à l’usine et ramener les vidanges : ce fut un fameux va et
vient ! »
D’après les souvenirs des anciens de Spa-Monopole, le dernier jour de la production de
Coca-Cola, l’officier américain, qui surveillait en permanence la production, permit aux
travailleurs d’emporter chez eux autant de bouteilles qu’ils le désiraient… il semble qu’un an
plus tard, on buvait encore du Coca-Cola dans certains foyers !
La guerre finie, en 1947, le minéralier spadois mit au point un ersatz qu’il nomma « Spa
Cola ». L’étiquette portait également la mention : « An American product with Spa-water ».
Attaquée en justice par les sociétés The Coca-Cola Company et The Coca-Cola Export
Corporation, la Société Anonyme Spa-Monopole fut condamnée, par un jugement rendu le
29 juillet 1948 par le Tribunal de commerce de Bruxelles. En mars de l’année suivante, c’est
la Cour d’appel de Bruxelles qui rejette le recours déposé par Spa-Monopole et la condamne
à payer la somme de 5.000 francs à chacune des sociétés plaignantes pour contrefaçon,
atteinte au nom commercial et concurrence déloyale. Dans son jugement, la Cour évoque la
production spadoise du Coca-Cola en 1945 et note que « l’accord n’ayant pas été renouvelé
en 1946, la société appelante devait se montrer d’autant plus diligente à éviter toute
confusion ». Elle ajoute que « l’emploi de la langue anglaise et celui des mots « american
product » (…) révèlent même l’intention de bénéficier de la publicité créée autour de leur
produit ».
Le « Spa Cola » devint alors le « Spa Vita » qui fut vendu jusqu’en 1966. Le musée possède
quelques exemplaires de ces étiquettes probablement très rares.
L’histoire se répéta d’une
certaine manière puisque, au
cours des années 1980,
l’usine d’embouteillage de
Spontin, à cette époque filiale
de Spadel, sortit 140 millions
de bouteilles de Coca-Cola.
Terminons par un petit clin
d’œil…Bien avant de
reprendre les rênes de
Spadel, en 2000, à la suite du
décès de son frère, Marc du
Bois suivit une formation de 6
mois chez Coca-Cola.
Dimensions : 111 x 75 mm
Epoque : 1947-1949
Technique : impression sur papier
N° d’inventaire : SN
Bibliographie :
Crismer, Léon-Maurice, Les eaux de Spa, S.A. Spa Monopole N.V., 1983
Lame, George de, Spa et les Américains, Liège, 1948
Spadel, Des sources et des hommes, Clepsydre, [1997]
https://www.persee.fr/doc/caoum_0373-5834_1970_num_23_91_2558
https://www.wipo.int/edocs/pubdocs/fr/intproperty/120/wipo_pub_120_1949_05.pdf
Pour aller plus loin :
https://fr.coca-cola.be/mieux-nous-connaitre/histoire/dans-le-monde/l-histoire-de-coca-cola
© Musées de la Ville d’eaux
Si vous désirez lire nos autres capsules Vir(us)tuel
Le Musée de la Ville d’eaux vous propose aussi…
Revue Histoire & Archéologie spadoises,
48 p., parution 3 x par an, 15 €
http://www.spavillaroyale.be/spip.php?rubrique60
Prochaine exposition temporaire :
Destination Spa. Les plaisirs de la villégiature à la Belle Epoque
http://www.spavillaroyale.be/spip.php?article448